CEB 33

La ville de Bulle, chef-lieu du district de la Gruyère, possédait depuis 1993, en centre-ville, rue du Château d’en Bas 33, un grand bâtiment de bureaux en forme de T, loué à l’origine à La Poste. Celui-ci est idéalement situé à proximité directe de la nouvelle gare et du grand parking des Crêts. Conçu par l’architecte bullois Roland Charrière, cet édifice fonctionnel présentait toutes les qualités d’une réutilisation avec une surface au sol de 1’400 mètres carrés sur une parcelle de 3’380 mètres carrés et la possibilité de surélévation, en raison notamment de la qualité de sa structure porteuse et de sa distribution technique.

Lorsque Post Finance SA a annoncé en 2016 la résiliation de son bail pour 2019, des études de faisabilité ont confirmé le haut potentiel de ce bâtiment. Ainsi, est née l’idée de réutiliser, moderniser et agrandir le site afin d’en faire le nouveau complexe administratif communal et de regrouper des services aux habitants, auparavant dispersés dans 5 sites. Seuls, le Département administration et celui des finances ainsi que le Conseil communal demeureraient, quant à eux, dans leurs locaux de l’Hôtel de Ville, à la Grand-Rue 7.

Pôle démographique et économique attractif du canton de Fribourg, la commune de Bulle doit faire face à l’accroissement rapide de sa population et au besoin accru en ouvertures de classes à chaque rentrée scolaire. Il a donc été adjoint au projet la possibilité d’aménager une école primaire provisoire sur le même site, dans l’attente de la construction de nouveaux complexes scolaires.

Confié au cabinet d’architecture O Charrière Architectes, successeur du concepteur du bâtiment d’origine, et à l’Entreprise Générale Grisoni-Zaugg, ce chantier a pu être mené en tout juste 2 ans de 2020 à 2022. Après le déménagement des administrations en juillet 2022, la rentrée scolaire d’août a pu être effectuée dans la nouvelle école, avant l’inauguration officielle en octobre 2022. En tout, 7 services communaux totalisant environ 90 employés (Départements technique et urbanisme, Police communale, Contrôle des habitants, Service des curatelles, Service des écoles, Administration scolaire et Services des archives), une antenne dépendant de l’école de la Léchère et trois cabinets médicaux ont ainsi pu s’implanter dans le nouveau complexe baptisé «CEB 33» en référence à son adresse.

PROGRAMME

Le programme correspondait à une volonté d’optimisation des ressources pour la commune bulloise en adaptant à ses besoins un bâtiment sain et fonctionnel, situé au cœur des transports en commun, au lieu de louer différents locaux dispersés. Ce transfert et regroupement de services se voulait également une plus-value en termes de service à l’habitant.

Le choix d’agrandissement était clair : une surélévation de deux niveaux permettant de multiplier les surfaces utiles et de distribuer facilement les nouvelles affectations. La complexité du programme consistait toutefois en la juxtaposition de deux projets : d’une part l’accueil des services communaux, d’autre part l’aménagement d’une école dans une partie du bâtiment totalement autonome.

Au sein même des services communaux, celui des Archives communales présentait de plus des exigences en termes de conservation et de stockage des documents patrimoniaux (température et hygrométrie) très éloignées de celles de l’accueil du public. C’est donc un éventail complexe de besoins et de circulations qu’ont dû résoudre les équipes en charge du projet.

Le bâtiment agrandi s’élève sur 4 niveaux au-dessus d’un sous-sol. La répartition des services se fait par étage sur les trois premiers niveaux tandis que le 4ème reste disponible pour des locations, dévolues finalement à des cabinets médicaux. L’entrée principale distribue au rez-de-chaussée des services communs à tous les usagers (salles de réunions et cafétéria) à droite, tandis que l’aile gauche accueille le Contrôle des habitants et la Police communale, soit les deux services les plus fréquentés par le public. Au 1er, se répartissent l’administration scolaire et extra-scolaire dans l’aile gauche, la droite étant occupée par le service des curatelles. Le 2e étage est réservé aux Départements techniques et urbanismes, ainsi qu’au service des Archives de la ville, dotées d’une salle de consultation, nouveauté rendue possible par le déménagement. Le dernier niveau, destiné à la location, a été attribué à trois cabinets médicaux : pédiatrie, cardiologie et ophtalmologie, aménagés après la remise du bâtiment principal.

L’aile arrière, la plus longue, et totalement autonome du reste du bâtiment, est entièrement consacrée sur les 4 niveaux à la nouvelle école primaire provisoire: 9 salles de cours, une salle de rythmique, un accueil extra-scolaire, une salle des maîtres, une infirmerie et des salles d’activités manuelles. L’accueil extra-scolaire et son réfectoire sont localisés au rez-de-chaussée.

Des circulations internes existent toutefois à chaque niveau pour assurer la communication avec le reste du bâtiment.

Enfin le sous-sol, commun à toutes les ailes du bâtiment, est consacré au stockage des collections patrimoniales dans des compactus : archives communales ainsi qu’aux locaux techniques, au dépôt de l’école et aux vestiaires du personnel.

PROJET/CONCEPT

Le parti d’un agrandissement par surélévation a été rendu possible par les caractéristiques du bâtiment initial : une distribution technique centrale, au croisement des ailes du T, desservant tous les niveaux grâce à deux grosses gaines verticales et diffusées horizontalement via la généralisation des faux-planchers et faux-plafonds. L’efficacité du système a été maintenue et prolongée dans les étages additionnels.

Outre l’extension de surfaces, l’enjeu de la transformation résidait également dans la mise aux normes énergétiques actuelles, permettant au nouveau complexe d’atteindre le standard Minergie P, soit une exigence maximale portée à la qualité de l’enveloppe, son efficience énergétique ainsi qu’à la qualité des matériaux et au confort des usagers.

C’est sur cette enveloppe, et notamment son traitement de surface, qu’a porté l’essentiel du travail d’harmonisation et de modernisation. La réalisation du CEB 33 apparait ainsi comme un subtil mélange entre la structure existante conservée et ses modernisations techniques et fonctionnelles voulues par les nouveaux usages.

RÉALISATION

La structure existante de l’édifice a été conservée et le surhaussement de deux niveaux a été réalisé en ossature préfabriquée en bois local, fourni par la commune de Bulle, et de panneaux composites ventilés en métal tôle Alucobon. Le noyau de distribution central a été réalisé en béton pour répondre aux exigences sismiques. Le traitement extérieur des façades a été dynamisé subtilement : le doublage et l’isolation thermiques des façades se sont traduites par l’ajout de laine de verre et d’un crépi minéral sur le béton existant. Travaillé dans la masse, ce crépi offre du mouvement et du caractère à la surface, tout en s’harmonisant parfaitement avec les parties basses existantes.

La mise en exergue de l’ancienne entrée à travers le jeu des parements carrés a été gommé au profit d’une façade plus linéaire qui a gagné en élégance. Seule l’incurvation centrale, à la jonction des branches du T, a été conservée au rez-de-chaussée. Elle correspond au noyau de distribution central et constitue extérieurement l’élément marquant de l’édifice côté nord. A l’intérieur, elle accueille le noyau central de circulation avec les escaliers et un nouvel ascenseur circulaire s’habillant de verres feuilletés bombés aux allures futuristes.

Les baies de format presque carrées ont été conservées sur les deux niveaux préexistants tandis que les deux niveaux ajoutés présentent des baies longilignes plus hautes et étroites séparées par des meneaux courant sur les deux nouveaux niveaux. L’uniformisation de la façade et le lien entre la structure d’origine et l’agrandissement passe tant par le traitement de surface que par l’alignement et la continuité des ouvertures.

INTÉRIEUR

À l’intérieur de la partie administrative, ainsi que dans les cabinets médicaux, c’est le jeu de contrastes entre les tons blancs et anthracites qui anime l’ensemble. Les cadres noirs des fenêtres font apparaître celles-ci comme des tableaux ouverts sur l’extérieur. Le changement de tous les ouvrants, rendu nécessaire par la mise aux normes thermiques et phoniques, a ainsi apporté une touche esthétique en plus de son efficience énergétique. Les murs sont recouverts de supports de tapisserie type Variovlies, créant une esthétique lisse avec une finition brillante laquée blanche qui contribue à la luminosité en renvoyant la lumière. Les plinthes sont en caoutchouc noir. Les faux-plafonds en plâtre lisse présentent des zones phoniques perforées (type Top Akustik) apparaissant comme une constellation d’étoiles, avec des plafonniers circulaires très graphiques ; l’ensemble de la lustrerie étant équipé de lumières LED. Toutes les surfaces sont recouvertes de faux- planchers, assurant l’évolutivité dans le temps, avec des systèmes d’accès au plénum différents selon les revêtements carrelages ou moquettes.

Dans le secteur scolaire en revanche, à l’exception des cadres de fenêtres, c’est le blanc qui prédomine, y compris pour les plinthes, et les faux-planchers sont revêtus de Linoleum gris donnant une ambiance plus neutre, propre à être animée par la vie scolaire et plus évolutive en cas de réaffectation des espaces.

TECHNIQUE

L’installation technique présente dans le bâtiment, datée de 30 ans, était conditionnée pour des besoins d’exploitation de machines à fort dégagement de chaleur. Celle-ci était devenue obsolète et inadaptée aux nouveaux usages et normes. Une mise à jour complète, répondant aux normes Minergie P®, a donc été effectuée. L’installation de chauffage a été raccordée au réseau de chauffage à distance de la société Gruyère Énergie SA. La diffusion de chaleur se fait dans les étages via les faux-plafonds ou faux-planchers selon la localisation des pièces dans le bâtiment. Dans les locaux en périphérie, des convecteurs de sol sont encastrés dans les faux-planchers équipés de ventilateurs, tandis que dans les locaux centraux, ce sont des poutres actives logées dans les faux-plafonds qui émettent l’énergie. La production de froid est assurée en sous-sol par une machine à eau glacée et un aero-refroidisseur en toiture. La chaleur est récupérée en partie pour le préchauffage de l’eau sanitaire.

Par ailleurs, le bâtiment présente des masses thermiques différentes dans son système constructif entre la partie existante en béton et la surélévation en bois. De plus, les besoins en stabilité climatique et en rafraichissement ne sont pas les mêmes entre les bureaux administratifs et les locaux d’archives de la ville, stockées dans les sous-sols. Cet espace a donc dû recevoir un traitement particulier pour limiter les risques de fuite et assurer des conditions de température et d’hygrométrie stables. Un concept mixte de gestion de la température et de l’humidité a été élaboré en collaboration avec un spécialiste de la conservation des biens culturels écrits pour la partie archives. Cette opération complexe de simulation de la physique du bâtiment a été confiée au bureau d’étude bullois Jacquet Helfer.

Un local technique en sous-sol centralise les tableaux de commande du système de régulation programmable. Les stores en toile et les installations d’éclairage sont également programmables. Enfin, la toiture est recouverte de panneaux photovoltaïques et végétalisée.

EXTÉRIEUR

Les aménagements extérieurs ont également été dévolus à leur double fonction. Côté administration, l’angle formé par les ailes Est et Sud est dévolu au garage couvert pour les véhicules et vélos de la Police locale, tandis qu’au Sud-Ouest, l’espace est consacré à la cour de récréation de l’école. Celle-ci reçoit un traitement de sol en pavés filtrants, ponctués de cercles colorés végétalisés ou aménagés pour le jeu (sols synthétiques en granulés). Un élégant banc en bois brut circulaire de 5 mètres de diamètre, réalisé par un atelier protégé, entoure l’un de ces cercles de verdure. La mobilité douce n’a pas été oubliée avec la mise à disposition de 5 parcs à vélos donc 3 couverts, répartis tout autour du bâtiment.

Le CEB 33 apparaît ainsi comme un projet durable et écologique à destination de la population bulloise, ayant bénéficié de synergies et de ressources locales.