UN RENOUVEAU COMPLET POUR UNE NOUVELLE MANIÈRE D’HABITER À LA PÉRIPHÉRIE DE GENÈVE
La dernière phase du Quartier de l’Étang à Vernier est désormais achevée, marquant ainsi l’essor d’une véritable « ville dans la ville » après seulement cinq années de travaux intensifs. Ce chantier exceptionnel par son envergure, son caractère innovant et sa genèse rapide, s’impose comme l’un des plus importants réalisés en Suisse ces dernières années. Le tout a été conçu sur un territoire expérimental, composé de parcelles inscrites au cadastre des sites pollués, entourées par une autoroute, des voies ferrées, un aéroport et des citernes de réserves d’hydrocarbures. Rien, a priori, ne prédestinait cet espace à devenir un exemple d’écoquartier.
Ce projet, initié par le secteur privé, s’inscrit dans le cadre des grands projets urbains prioritaires du Canton de Genève, tels que « La Châtelaine » et « Vernier Meyrin Aéroport », transformant ainsi le territoire genevois en véritable laboratoire urbain. Ici, le projet se distingue non seulement par sa dimension quantitative mais surtout par la qualité de son approche. Après une première étude urbaine menée en 2011 par le cabinet parisien Dominique Perrault Architecture, qui a posé les bases de la relecture de ce territoire, le Plan Localisé de Quartier (PLQ) a été adopté en 2016 par le Grand Conseil. Dès lors, les travaux ont progressé rapidement, avec la pose de la première pierre en mars 2018. Aujourd’hui, l’écoquartier de l’Étang, qui s’étend sur 11 hectares, allie harmonieusement logements, pôle d’activités, espaces de vie et lieux de rencontre intergénérationnels. Officiellement inauguré à l’automne 2023, ce projet ambitieux et visionnaire a permis la naissance d’un quartier complet en cinq ans. Transformer un terrain complexe et peu attrayant en un ensemble monumental, dynamique et accueillant où il fait bon vivre, travailler et se divertir, relevait d’un véritable défi. Ce dernier a été relevé avec brio, puisque le Quartier de l’Étang est désormais certifié par le premier label SNBS-Quartier (Standard de construction durable suisse). Cette certification, inédite, atteste du respect d’une trentaine de critères mêlant société, économie et environnement, et vise à assurer la durabilité à long terme du projet. Au-delà des qualités architecturales, constructives et urbanistiques, cette reconnaissance souligne la contribution du projet à l’économie régionale, son excellence en matière de performance énergétique, et ses initiatives pour la préservation de la faune et de la flore.
PROGRAMME/CONCEPT
Le schéma directeur, élaboré par Dominique Perrault, a défini un cadre global pour le quartier, structuré en quatre macro-zones. Les îlots de logements sont conçus sur deux niveaux distincts : un socle urbain de quatre étages, surmonté de « volumes émergents » aux hauteurs, formes et traitements variés. Cette composition confère au quartier une identité forte malgré la diversité des usages et des formes architecturales. À l’opposé de l’ensemble urbain de l’Avanchet-Parc, érigé en 1977 de l’autre côté de la route de Meyrin, le complexe de l’Étang propose une conception radicalement différente de la ville. Les longues barres uniformes sont remplacées par des îlots interconnectés, illustrant ainsi une vision moderne et évolutive de la vie urbaine, façonnée par les évolutions sociétales.
L’idée directrice d’Urban Project SA, pilote du projet, repose sur une quête de qualité de vie et d’équilibre harmonieux entre le nombre d’habitants et d’emplois. L’organisation globale du quartier tient compte des contraintes du site: les espaces résidentiels, nichés au cœur du quartier, sont protégés des nuisances d’un environnement dense par les bâtiments d’activités, qui jouent le rôle de zone tampon côté voie ferrée et de vitrine côté autoroute. Le quartier se déploie en sept grands îlots, chacun doté de son identité et de sa fonctionnalité propres, intégrés de manière harmonieuse dans le paysage environnant, tout en s’adaptant aux voies ferrées, aux nœuds autoroutiers et aux terrains voisins.
Fil conducteur du concept et élément fédérateur de l’ensemble des pôles, la végétalisation et les aménagements extérieurs occupent 60% des 11 hectares du quartier. Bien que le nom « l’Étang » puisse surprendre dans un contexte urbain, il symbolise parfaitement le défi relevé par les concepteurs : réintroduire la nature dans un périmètre autrefois délaissé. Le parc des Tritons, ainsi que de nombreux espaces verts dédiés à la flânerie et à la détente, ont été renaturés ou créés. Le quartier est entrelacé de venelles destinées à la circulation piétonne ou cyclable, grâce à la généralisation du stationnement en sous-sol sur les trois parkings aménagés dans les niveaux souterrains. Un véritable souffle vert entoure les bâtiments, offrant des respirations entre les îlots et au cœur de ceux-ci, dans une ambiance arborée qui atténue la densité urbaine.
La qualité de vie, recherchée et mise au centre de ce projet, est indissociable du soin apporté aux aménagements paysagers, à la diversité botanique et au choix réfléchi des essences végétales, qui créent des atmosphères uniques selon les espaces. Les espèces endogènes sont privilégiées pour renforcer l’harmonie avec l’environnement naturel local. Cependant, la végétalisation ne se limite pas à l’aspect esthétique: elle contribue à créer des îlots de fraîcheur, renforcés par des jeux d’eau et des brumisateurs, favorise la rétention des eaux pluviales, et permet la culture de potagers partagés sur les toitures.
Le parc des tritons, élément structurant du quartier, relie la route de Meyrin au quartier des Avanchets, et s’étend dans le quartier à travers les cœurs végétalisés des îlots de logements, jusqu’à la place du marché. Le biotope de l’Étang, avec sa faune et sa flore, est décliné comme élément unificateur dans la signalétique, le mobilier urbain et la toponymie des rues et espaces. Cette véritable signature graphique s’invite jusque dans les immeubles et les parkings, embellissant les parties communes et les halls d’entrée.
Dans la quête de bien-être pour les habitants, une attention particulière a été portée à la jeunesse au sein d’un quartier parfaitement conçu pour les familles. Quatre aires de jeux thématiques, chacune dédiée à une tranche d’âge spécifique, offrent une grande variété d’infrastructures ludiques. Que ce soit à travers une course automobile, une jungle, une balançoire ou un trampoline, ces espaces de jeux, entièrement sécurisés, sont intégrés au cœur des îlots et proposent des univers variés pour répondre aux besoins des plus jeunes. De plus, deux terrains multisports situés en périphérie du quartier et à proximité de l’école viennent compléter cette riche offre.
RÉALISATION
La synergie entre la maîtrise d’ouvrage privée, la ville de Vernier, le canton de Genève et toutes les équipes engagées dans ce projet – soit six bureaux d’architecture et quatre entreprises totales – a permis de lancer presque simultanément tous les chantiers. Dans un contexte complexe, marqué par l’épidémie de Covid, cette opération a nécessité une planification minutieuse et une coordination sans faille.
La phase préparatoire, incluant désamiantage, démolition, dépollution et terrassement, a été confiée à un seul acteur, Urban Project, qui a su fournir aux entreprises totales des fonds de fouilles prêts pour la construction. Cette stratégie a permis d’optimiser les délais et les coûts, et cette étape a été menée à bien en deux ans et demi. Le chantier colossal, nécessitant le passage quotidien de centaines de camions et mobilisant conjointement 19 grues et plus de 1’000 ouvriers, a mis en place des systèmes de gestion particulièrement rigoureux. L’un des points d’orgue de cette préparation a été la valorisation des matériaux issus de la démolition, ainsi que des excavations. Pas moins de 50% du volume total de la friche industrielle a été revalorisé. Les bétons concassés ont été réutilisés comme granulat pour le fond de fouille et pour les travaux spéciaux, tels que les parois clouées et berlinoises. Une partie du million de mètres cubes excavés a été utilisée pour le remblayage des bâtiments et des encaissements de chaussée.
Ce sont ainsi 80% des déchets de démolition qui ont été traités et recyclés directement sur place grâce à une centrale à béton mobile installée sur le chantier. Un autre enjeu majeur de coordination a été l’enchaînement parfait des milliers de réceptions des travaux des appartements et la gestion des mises en location.
Sur le plan structurel, la construction en béton de la majorité des îlots reste conventionnelle, tout en offrant des éléments architecturaux marquants comme le puits de lumière à facettes kaléidoscopiques du Belvédère ou les mezzanines articulées autour d’un impressionnant atrium vitré au cœur des Atmosphères. Les surfaces commerciales et de bureaux ont été livrées brutes et modulables, facilitant ainsi les aménagements spécifiques aux besoins des preneurs. Quant aux logements, ils ont été pensés avec des finitions de haute qualité, et les acquéreurs ont pu les adapter à leurs souhaits.
C’est sur le plan énergétique que le quartier se distingue particulièrement. Tous les bâtiments répondent aux normes THPE (Très Haute Performance Énergétique) et sont chauffés et refroidis via le système Genilac des Services industriels de Genève SIG, utilisant l’eau du Léman. L’électricité consommée est 100% renouvelable grâce à la fourniture verte des SIG. Ce projet s’inscrit pleinement dans la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération, qui vise à atteindre la neutralité carbone et à réduire la consommation énergétique des bâtiments. L’édifice des Fabriques abrite dans ses sous-sols la centrale principale de chauffage et de froid à distance du quartier des SIG, complétée par huit sous-stations de distribution réparties dans le quartier. Un système de ventilation à double-flux a été installé dans tous les immeubles, et les triples vitrages ont été privilégiés. Ici, l’approche énergétique repose également sur la responsabilisation et l’implication active des usagers. Chaque appartement est équipé d’un système de suivi en temps réel des consommations d’énergie et d’eau, de type e-Smart, permettant ainsi aux résidents d’optimiser leur consommation et d’adopter un comportement écoresponsable.
Enfin, une autre grande innovation du quartier réside dans la mobilité. Le site représente un véritable nœud intermodal, alliant transports publics, parkings pour véhicules individuels, et chemins piétons et cyclables. Un chiffre parle de lui-même : le quartier dispose de 2’600 places réservées aux vélos, contre 1’770 pour les voitures. Les parkings automobiles ont été volontairement sous-dimensionnés en misant sur le partage et l’optimisation de l’utilisation des places. L’ensemble du stationnement, y compris celui lié aux logements, fonctionne à la location, que ce soit sous forme d’abonnements longue durée ou de stationnement horaire. Ce modèle innovant de mutualisation des places de stationnement anticipe l’évolution des modes de vie et des habitudes de mobilité.
L’un des principaux mérites des concepteurs a été de révéler le potentiel de reconversion d’une ancienne zone industrielle pour en faire un véritable havre de verdure, d’habitat et d’activité. Cette transformation exemplaire aurait été impossible sans la collaboration exceptionnelle entre tous les acteurs impliqués dans ce projet urbain ambitieux, conçu pour les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Il incarne une vision moderne de la ville à l’horizon 2050, fondée sur la maîtrise des consommations énergétiques, le partage des espaces et des services, la mobilité douce et la mixité sociale.